À l’épuisement du XIXe, si Rachilde avait tenu la distance au long de son Monsieur Vénus et ne s’était pas rapidement perdue dans les convenances — qui s’occupe des convenances d’il y a un siècle et demi ? — elle serait entrée en littérature par une porte aussi haute qu’inédite. Explosant les conventions des genres, elle nous aurait laissé un grand livre sur le désir féminin. Oui, la première partie de Monsieur Vénus était prometteuse, très. Et puis voilà, le siècle et sa condition la rattrapent et on se perd dans l’ennui et la niaiserie compassée des manières de classe. Il faut ensuite la toute fin pour retrouver de l’étrangeté, à peu près, le désir s’étant perdu depuis longtemps dans une bête histoire d’argent qui se paye la beauté. En perdant ce désir sauvage des premières pages dans le fétichisme social, le livre s’abîme dans un kitch poussiéreux. Dommage dommage. Maintenant, reste un livre assez remarquable et surtout injustement méconnu par chez lui. Alors qu’on trouve de nombreux articles anglo-saxons sur l’autrice et l’œuvre, ici, le silence ou presque, à peine un murmure du côté de quelques militantes. Ce Monsieur Vénus est pourtant méritant à quelques titres, par sa fièvre du début et par son audace historiquement précoce par exemple, mais surtout comme exemple d’un mal pensé freudien : un fétichisme féminin.
Presque plus amusant, la préface de Maurice Barrès, pas la moitié d’un con celui-là, bel exercice d’entre soi hypocrite qui mérite d’être épinglé au panthéon des imbéciles indignités. Non non, ils n’étaient pas tous idiots à l’époque, et seuls les chefs d’escadron pouvaient pondre des perles comme celle-ci : « Les jeunes filles nous paraissent une chose très compliquée, parce que nous ne pouvons nous rendre assez compte qu’elles sont gouvernées uniquement par l’instinct, étant de petits animaux sournois, égoïstes et ardents ».
En entête, Monsieur Vénus illustré par Léonor Fini