Eva a 24 ans aujourd’hui. Ma mère n’a rien mangé depuis dimanche, et c’est mon père en chimio qui arrive avec sa voiture toute blanche…
« Aide-moi à choisir un beau rouge ! » Pareil la minute suivante : « Aide-moi à choisir un beau bleu !»
« Ce rouge m’a l’air vaguement primaire… Les rouges qu’ils nomment “primaires” ne le sont jamais. Et là, tu as un bel outremer… Tu as vu, si tu prends quatre gros tubes, t’en as un gratuit… »
Et mon père repart avec 4 gros tubes d’acrylique pour ma mère qui est brusquement plus malade que lui. Inversion des rôles.
Ma mère peint des paysages depuis sa grande dépression des quarante ans. J’avais eu l’idée de lui acheter une boite d’aquarelle, du papier et des pinceaux, parce qu’elle m’avait souvent raconté qu’elle peignait beaucoup quand elle était enfant. Que c’était son truc ! Et depuis, depuis l’achat de cette petite boite d’aquarelle, elle n’a jamais arrêté. C’est naïf et parfois charmant. Mais ce qui compte, c’est la pratique et le fait que cette pratique a reconstruit son ego, car les gens autour lui ont tous réclamé une peinture, pour chez eux…