Je n’ai jamais osé aborder le cœur du malentendu. Pourtant, le mot traverse parfois, mais passe vite, occulté par la culpabilité sociale.
Chaque vie trace sa petite route, c’est bien comme ça. Ce qui est pris comme une injustice par l’adolescence devient vite, avec la maturité, une bénédiction. Nous ne nous comprenons pas, et tant mieux ! Plus le temps passe, et plus il devient illusoire d’avoir le temps immense d’accorder sa langue à celle d’un potentiel interlocuteur. La masse de l’expérience, de la culture, enfonce la langue au centre de l’être, l’éloignant de la peau et des nerfs. Le sillon du goût devient si profond et d’une terre si riche, si lourde, qu’aucun effort ne pourra plus nous en extirper.
Et pourtant, Sisyphe, j’ai l’impression, peut-être simple impression, de vouloir m’alléger de moi-même, et de toujours espérer décrotter mes bottes au fer du goût des autres.
Cette envie d’être léger de soi-même, de pouvoir encore aborder un livre, un film ou un tableau quasi vierge, sans lassitude, sans ces milliers d’étincelles de la reconnaissance.
Alors, s’ébrouer, ne pas accepter qu’on soit seul sur son chemin esthétique, depuis si longtemps, et que la beauté du paysage ne compense pas le silence.