Pourquoi Kubrick n’a pas inventé l’Ipad

Publié le 6 octobre 2010

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Voilà le truc, dans 2001 odyssée de l’espace, les astronautes utilisent des tablettes-écrans. En fait, des TV plates et portables. Et donc, bien sûr, ça cause, depuis que l’Ipad est sorti : Kubrick aurait encore une fois « bien anticipé ».

Bon, c’est vrai que le film est étonnamment clean. Je suis toujours surpris lorsqu’on le compare aux films de SF contemporains, dont aucun n’arrive vraiment à sortir du Z. Comparez-le avec le malgré tout charmant « Barbarella » sorti la même année (1968), par exemple… Pas photo.

Alors, oui, Kubrick voulait une image clean, et il a eu une image clean. Il a aussi beaucoup de chance que le design seventies de certain élément soit revenu à la mode dernièrement. Certain élément, d’autres ont eu moins de chance, en fait. En le revoyant pour l’occasion, il y a quand même quelques kitcheries, comme les looks des terriens qui m’évoquent beaucoup les coiffures et les fringues de ma mère quand j’étais très très petit… Mais bon, Kubrick a réussi un film quasi intemporel dans un genre hautement démodable. Mais il a tant réussi ailleurs, est-ce si surprenant ?

Alors, il aurait inventé l’Ipad, on tout au moins le concept, et ces astronautes regardent ces fines tablettes, négligemment posées à côté des plateaux-repas de cafet’, en bouffant des purées colorées qu’on leur laisse… Encore que, purée carotte, purée brocolis, etc. Pourquoi pas ! Un trip régressif de plus…

Tout ça n’a pas grand sens. Je suis sur qu’en faisant un effort de mémoire, doit bien y avoir des tablettes dans les coins d’images du cinema, de la BD ou du roman d’anticipation bien avant Kubrick. La science-fiction, que j’ai beaucoup fréquentée, mais alors vraiment beaucoup, a à peu près tout inventé, pour la simple raison qu’on fini toujours pas fabriquer ce qu’on désir. Et c’est bien pour ça que l’humanité devrait avoir peur d’elle-même ! Combien de temps a-t-elle désiré voler avant d’y arriver ? Franchement, un truc portable, pour communiquer, noter, visionner, etc., l’humanité en veut depuis si longtemps ! Et dans le genre, j’aimerais bien me souvenir de ce film de SF français, qui mériterait une analyse, car tourné sous Vichy, et dans lequel le journaliste, je crois, a un téléphone portable. Un paradoxe : rien de nouveau du côté de l’anticipation !

Ha, je blablate… Mais non, on ne peut pas dire que Kubrick, dans 2001, a anticipé l’Ipad, et la preuve est dans le film lui-même… Même pas besoin de raisonnements tordus, de recherches obscures, et autres théories vaseuses, pas que j’en soit pas capable, non, il suffit de regarder le film un peu plus loin…

parce que quelques minutes plus tard, nos hommes de l’espace, en technicien consciencieux, prennent la pose, des airs pleins d’eux même, genre ceux qui bossent avec leur cerveau, et notent ce qui leur passe par la tête… sur leur beau bloc papier tout droit sorti de la papeterie d’un coin de  rue de 1966 !

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Dommage Stanley !

Lire aussi : La presse électronique en 2001 (1968)

0 comments

  1. Ha, je n’avais pas lu, ni vu… vraiment bien. J’hésitais déjà à publier cet article qui sort de mes plates-bandes, et j’en ai un autre sur Kubrick qui attend que j’ai du courage… Mais l’avantage ici, c’est qu’on sait que les lacunes seront comblées !

    Merci Jean-no

  2. Donc, pour conclure, Clarke a inventé le concept, mais Kubrick ne l’a pas exploité dans le film…

    Merci pour le lien, Hubert.

    al

  3. Et si, simplement, le regard de 2010 sur ce que vous appelez « Ipad » (d’où tenez-vous ce vocable ?) était envahi par ce qu’on (qui, « on » ?) lui impose aujourd’hui ? (on demandera les réponses aux questions entre parenthèses du côté de Cupertino…)
    :°)

  4. Tout à fait, PCH, mon billet pointe ironiquement, non l’anticipation, toujours relecture à postériori en effet, mais le défaut d’anticipation (et des défauts d’anticipation, malgré le culte, il y en a beaucoup dans le film). En gros, je renvois [respectueusement] 2001 en 1968…

    Et quant à votre clin d’œil pommé, au-delà du fait qu’un frigo est un frigo, mon billet est une réponse aux autres billets qui pointent l’anticipation, et tous parlent d’Ipad… Si j’utilise n’importe quoi d’autre, d’usage moins courant, ça n’aurait simplement plus de sens.

    Mais si Kubrick n’anticipe pas grand-chose, A. C. Clarck est bien plus pertinent, comme le souligne judicieusement les articles de Jean-no et Hubert… et si je les avais lus, je crois que je n’aurais pas posté le mien.

    Al

  5. Dans le roman (novelisation selon les gouts) il est clairement précisé que Poole fait une sortie dans l’espace pour effectuer la maintenance du vaisseau, parce que  » même en 2001, on n’a pas encore fait mieux qu’une bonne vieille feuille de papier  » à peu près dans le texte.

    Si Clarke/Kubrick se méfiaient de la sur-technologie, ce n’est pas sans fondement ni sans raison dans la suite du scenario. De fait Carl 9000 (Hal) ne peut pas corrompre la donnée de la fausse panne, enregistrée sur du papier. Pas de hack ni faux à la portée du super ordinateur, et toc ! ^^

    Moralité : toujours lire le roman dont est inspiré un film, avant de se moquer. Kubrick a adapté le scenario fidèlement d’après les idées de Clarke, c’est seulement que le temps de la narration a sauté pendant la conversion écrits/film, ce qui n’est pas compréhensible pour un spectateur n’ayant pas lu le roman … comme bcp de choses dans 2001, soit disant complexes, qui ne le sont pas.

    ps : arrêtons de faire de la pub pour toutes ces merdes en plastoc blanc qui ne font pas le poids face aux bijoux de technologie de la SF.

  6. Heu, pas facile d’appeler quelqu’un « Truc ». Mais je vais essayer : cher truc, vous m’avez provoqué mon premier rire du matin. Merci beaucoup !

    Dans un premier temps, je me suis dit que vous aviez parfaitement raison, et que j’aurais dû éviter un sujet que je ne maitrise pas.

    Mais ensuite, je me suis demandé si c’était bien raisonnable de confondre d’un même élan critique le roman et le film, et donc la volonté de l’écrivain et celle du cinéaste. Et je pense en fait qu’il n’y a à peu près aucun rapport. Je crois donc qu’on peut laisser la science-fiction à A. C. Clarck, et dans ce domaine, il n’y a pas à se moquer, il est d’une perspicacité remarquable. Mais je ne pense pas que la SF soit vraiment le domaine de Kubrick. Au-delà du fait que son film est un remarquable exemple de film autiste, et donc éternellement interprétable (ce qui explique l’obligation de retourner au texte), si on le met en perspective dans la filmo globale, il devient un élément d’une grande œuvre de «déclinaison des genres», et 2001 devient le «SF» de Kubrick, impeccable comme tous ses films, mais plus important comme pierre d’un édifice que comme objet unique. (Ça va hurler).

    Sinon, pour me moquer de moi-même et de mon billet, j’aurais dû ne pas oublier le défaut principal de la SF, en général, c’est-à-dire le total look ! Alors qu’en fait, le monde évolue en gardant beaucoup du passé (sauf la Chine aujourd’hui qui efface des quartiers historiques), ce qui fait, en effet que dans une même journée, on utilise du papier et un smartphone, et qu’on traverse des architectures contemporaines et des vieilles pierres…

    Donc, pour tout racheter de Kubrick, ou comme vous le sous-entendez, de cette étrange entité quasi divine Clarke/Kubrick, on peut se dire que c’est normal qu’une terrienne de 2001 ressemble à ma mère en 1965… Pourquoi pas ? On peut aussi accepter que le film ait vieilli, et que l’anticipation ne soit toujours qu’une métaphore d’un présent… Au choix.

    Et je pense que l’Ipad (il est en plastoc ? Pas touché…) serait bien plus utile à des ingénieurs astronautes dans la situation de l’image des blocs, que des blocs papier. En effet, demandez-vous ce qu’ils peuvent bien noter de véritablement utile, dans un contexte technoprofessionnel réaliste ? À part une subite inspiration poétique ? Car le papier, aujourd’hui, je m’en sert encore, un tout petit carnet dans ma poche, pour noter ce qui me passe par la tête, et encore parce que je suis un résistant. Pour travailler, faut que ça communique et que ça converge, faut que ça database, faut que ça «agisse» à distance… Faut un truc de science-fiction qui se vend dans le commerce… Et je bosse dans un bureau, dans la Com, donc ni dans l’informatique, ni dans l’espace.

    «ps : arrêtons de faire de la pub pour toutes ces merdes en plastoc blanc qui ne font pas le poids face aux bijoux de technologie de la SF.»

    Serait-ce l’indice d’une sorte de donjuanisme geek ?

    Cordialement,

    Al (sans h)

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