Le réel réel, le vrai

Publié le 2 novembre 2017

Aujourd’hui un journaliste radio reprenant une chroniqueuse, rien de bien grave, rien, sauf que ce journaliste, avec un ton d’autorité autorisé, rappelle que les 8 morts dans un attentat de New York, c’est « le réel ». Et donc qu’on ne peut en faire fi.

Ha oui ? Qu’est-ce que ce « réel » ? Pourquoi devrions-nous arrêter de respirer, de vivre même parce que 8 personnes ont été fauchées par un débile comme nous en avons des masses en magasin sur un trottoir de New York ? Pourquoi ?

La vraie question est « pourquoi EUX ? »

Je vois passer concomitamment l’info sur facebook, le premier tueur d’humains est le moustique, bien avant nous, même, avec un bilan de 750 000 morts par an. Pas mal la petite bestiole ! Donc, 750 000 morts. 750 000…

OK, et bien selon ce journaliste, ces 750 000 morts ont l’honneur d’être exclus du « réel ». Et la preuve que ces morts ne sont pas « réels », c’est qu’on n’en trouve trace dans les médias. Et ÇA, c’est une preuve !

Pire, j’ai traversé quelques deuils familiaux ces dernières années. Et c’est assez logique, je vieillis et les gens que j’ai connus vieillissent aussi, surtout ceux déjà vieux quand je suis né… Alors, des gens meurent. Mais voilà, rien de grave évidement, car selon ce journaliste, ces morts, MES MORTS, ne participent pas du réel ! Hé bien, pas plus que les morts de la malaria ou autres saletés, on en trouve trace dans LES MEDIAS.

Mais acceptons. Il y a des morts « collectifs », qui appartiennent à tout le monde, car ces morts portent aussi un message politique, qu’il ont une incidence sur la politique, qu’ils vont influencer nos vies… OK. Les morts du terrorisme sont « plus réels» que vos morts à vous, et que l’ensemble de vos vies. (Puisqu’on vous le dit).

On pourrait rétorquer que s’ils ont une influence politique, c’est justement lié à leur place dans les médias… Mais bon… Admettons…

 

Mais alors… pourquoi ces morts là plus que les morts du terrorisme dans des pays non occidentaux ? Pourquoi ?

On le sait bien, le poids médiatique d’un blanc, le poids médiatique d’un occidental, le poids médiatique d’un américain, etc.

Admettons, pour le poids médiatique, mais pourquoi « réel » ?

Parce que, simplement, ce journaliste, représentant en ça à peu près sa profession, s’imagine, se vit comme le garant du réel. Le réel, voyez vous, passe par lui, et ce qui ne passe pas par lui n’est pas réel. Il possède « le réel », il a autorité sur lui. Il peut donc décider de ce qui est important pour vous. Il ne se vit plus pour ce qu’il est, un agent d’une simple représentation d’un réel, d’une part infime du réel, mais comme le porteur mystique d’une parole performative générant un réel supérieur supplantant tout autre réel possible.  

Il ne faut jamais oublier que le performatif a besoin pour fonctionner de l’adhésion du récepteur… Sa complicité.

Sauf que l’ennui, pour ce journaliste, c’est que moi, et nous, nous tous, les autres, nous ne sommes pas lui, et que notre réel n’est pas le sien, et le sien, on s’en fout, et c’est parfaitement normal, car lui se fout de nous, de notre réel, et il faut se faire presque un devoir de se foutre de ce qu’il cautionne comme « réel » pour nous, contre nous, et contre nos vies… réelles.

Il faut relocaliser le réel. Il faut décoloniser le réel. Il faut se réapproprier le réel.

 (Il n’est pas question « de ne pas être informé », mais de se souvenir qu’une information est une représentation du réel et pas celui-là, et qu’il est de notre ressort de décider de ce qui a une incidence sur nous, ou pas. Et à l’occasion, le rappeler à ceux qui l’oublient…)

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