Pendant que la France se lamente, idiote, je reconstruis patiemment ma bibliothèque. Le rangement rageur de celle de l’entrée, cet été, n’était pas de même nature. J’avais évacué, pour la première fois de ma vie, deux caddies de livres défraichis dont on trouve les textes en libre accès partout. Des livres au papier orange, abrasif et puant. Non, là, c’est au cœur que je m’attaque. A sa refondation complète. Rome ne s’est pas faite en un jour.
Je me rends compte d’une chose, ce matin, en attendant l’heure de mon rencard chez ma dentiste, c’est que j’accepte enfin l’ordre des éditeurs, et en souriant, tout à l’heure, que j’avais persisté contre la logique de la taille des étagères à imposer l’ordre des auteurs. Toute ma vie voué aux auteurs, pour enfin, capituler là, au pied de la bibliothèque, maintenant, devant l’ordre supérieur du marché, des éditeurs, de la société. Le sujet contre l’ordre social.
Un assagissement ? La perte d’une illusion ? L’influence de l’ordre inéluctable de la réception ? L’influence du labo ? Autre ?
Un calme. Ce n’est, à l’usage, pas plus inconfortable, puisqu’on se souvient toujours de l’édition d’un texte. Je sais bien que « la société du spectacle » de Debord est en NRF et que « l’Érotisme » de Bataille est aux éditions de minuit… C’est un peu plus compliqué pour les éditions de poche des essais…
Bon, on verra. En attendant, reconstruction, refondation, rangement, ordre, lisibilité, clarté, et remise à zéro de mon index interne, avec de belles retrouvailles avec des textes perdus, et beaucoup de regret, de tous ces livres jamais terminés, ou à peine entamés. Tout ce qu’il resterait à lire.