J’avais le choix. Je pouvais continuer à me laisser dévorer par l’angoisse et le chagrin, ou utiliser cette énergie de la chute, prodigieuse, pour m’arracher à ce sol trop lourd. Je pouvais laisser mon corps s’enkyster, dévoré par toutes ces douleurs internes que nous offre généreusement l’âge. Je pouvais gérer ce que j’avais, même si ce n’était pas grand-chose, comme on gère un patrimoine. Je pouvais. Je devais surement. La raison dit ça, peut-être. La vie normale. Alors qu’ai-je fait ? Un sacrilège. Un petit sacrilège. Et une chose un peu sale que je n’avouerais pas ici, sur le lieu même du crime. Mais toute expérience est un peu sale, comme toute science en train de se faire, maladroite, tâtonnante et dangereuse. Le premier chirurgien a tué combien de patients ? Oui, tout ça n’est pas pur. Mais je devais de nouveau accepter la beauté du monde. Je devais de nouveau m’accepter, aussi, dans toutes mes laideurs. Je devais surtout accepter mon désir, qu’il soit encore là, qu’il soit toujours vif…
Vif
Publié le 26 avril 2013