Je reste sûrement, même si souvent je n’en suis plus très sur, sensible à l’expressionnisme. Mais je crois que j’ai toujours perçu l’expressionnisme abstrait comme démodé, ou kitch… Par contre, je suis très sensible à un certain minimalisme qui en découlera. Peut-être sommes-nous condamnés à une sensibilité générationnelle ? Peut-être. Ou pas. Bien sûr, né dans les années 60, j’ai toujours été mal à l’aise avec les années 50 par exemple. Mais que faire alors de mon amour des années 20 et 30 allemandes ? Des constructivistes et constructivismes en général ? De tous les mouvements les plus austères et/ou minimaux ? En effet, rien n’est simple dans la construction du goût. Pour ce qui suit l’expressionnisme abstrait, donc, pour lequel je n’ai pas d’appétence, je préfère, par exemple, ce qu’un Blinky Palermo en a fait dans les années 70… Bien.
Et pour en venir à aujourd’hui, maintenant, et continuer ma série de billet de blog sur les « gens vivants que je suis sur les réseaux » (comme ici), je suis très sensible à ce que Wilma Vissers, plasticienne néerlandaise, colle aujourd’hui sur les murs de ses expos et balance sur facebook ou Instagram. Je suis sensible à plusieurs dimensions de ses objets-couleurs-formes dérisoires :
— Je goûte la contradiction entre la radicalité formelle, comme un reste archéologique de modernité, et le traitement expressionniste, lâché, gratté, brouillé, d’une énergie hasardeuse qui contamine le vieux programme moderniste.
— J’apprécie, dans les dessins en particulier, son jeu classique sur la « monumentalité paradoxale » qui m’évoque les cours d’un vieux prof de sculpture qui nous répétait qu’une sculpture réussie brouille la perception de son échelle.
— Et enfin, ce qui me touche le plus, je crois, c’est sa fragilité sociale et historique, car comme pour tout le minimalisme, il y a une dimension tragique à laisser sur ce monde des traces quasi invisibles à une perception médiocre et trop pressée.
Voilà, dans un tout autre continuum que d’autres, Wilma Vissers fait partie de ces poètes subtils que je prends plaisir à suivre sur ces réseaux qui ne sont pas condamnés au tsunami des indignations vaines et autres consommations pulsionnelles. On peut aussi y consacrer son temps de cerveau disponible à fréquenter des poètes vivants.