Je dois avouer qu’en visitant l’atelier d’Adjim Danngar, que je ne me souvenais pas de la transcription française du nom chinois de la technique du papier découpé. Mais j’y pensais, évidemment. Oui, mais pourquoi évoquer le Jiǎnzhǐ en découvrant les nouveaux découpages d’Adjim ? Oui, pourquoi considérer cet art comme « chinois » alors que c’est un art populaire d’un peu partout ? Après tout, une page de ce blog évoque même la publication chez ION des découpages de Hans Christian Andersen… Hé bien simplement par l’antériorité, peut-être, et une telle antériorité d’ailleurs que l’invention du papier ne suffit même pas à la fixer géographiquement, puisque cet art décoratif précèderait même le papier. En effet, pour le papier découpé, il faut du papier, logique, le papier invention chinoise donc, mais ceci n’exclut pas qu’une esthétique de dessin par la découpe de lumières dans une feuille d’autre chose n’existait pas antérieurement, comme dans le laiton par exemple, qui lui nous arrive du fond des âges farouches… Enfin, le papier s’invente légendairement en 105 EC. et on peut donc potentiellement le découper, l’ajourer et l’orner de motif à partir de cette date, en adaptant pour lui si fragile et éphémère des techniques et des esthétiques inventées pour l’orfèvrerie. Et en visitant l’atelier d’Adjim Danngar qui devient chaque jour plus grand enlumineur de papier, je me souvenais posséder quelque part un article à ce sujet dans un N° de la revue Littérature chinoise. Cette revue Littérature chinoise est un exemple d’un soft power d’un autre temps qui éditait en français une littérature largement aussi illisible que le patronage XIXe de chez nous, mais évoquait aussi dans chaque numéro des artistes, des peintres et sculpteurs, et des arts populaires. Rentré chez moi, j’ai retrouvé l’article dont j’avais souvenir dans le N° 7 de l’année 1979. Que raconte cette revue : « Le papier découpé est l’un des arts les plus anciens de notre pays. Selon les annales de l’histoire, on peut en faire remonter l’origine à la dynastie des Jin (260-420). Le célèbre poète Li Shangyin (environ 815-858) est l’auteur de ces deux vers : “L’art de ciseler le métal a pris naissance chez les Chu, et celui de découper le papier, sous les Jin.” Depuis plus de mille ans, l’art du papier découpé s’est sans cesse développé dans le peuple. », etc. Voilà qui donne une certaine profondeur archéologique à la pratique. Le papier découpé est ancestral, aussi populaire qu’aristocratique, selon les régions et les époques, et c’est un art de la synthèse paradoxale, puisque si la technique force à faire des choix radicaux entre plein et vide, elle incite pourtant à la répétition, à la scansion décorative, et même, comme le note la revue, à l’exagération lyrique. Surfant avec habileté entre synthèse obligatoire et tendance baroque, Adjim en devient un parfait pratiquant, en en usant même, pratique plus rare que l’image unique, pour une narration séquentielle nécessairement longue, minutieuse et éreintante. C’est évidemment mon avis très extérieur. Lui parle plutôt de pratique quasi méditative, et qui provoquerait même des états proches de la transe. Je veux bien le croire sur parole.
Adjim Danngar et le Jiǎnzhǐ
Publié le 15 juillet 2022
Djarabane d’Adjim Danngar – BONOBO.NET
[…] illustrés en papiers découpés très noirs qui scandent l’ensemble (pour ces pages, voir : https://bonobo.net/adjim-danngar-et-le-jianzhi/), et dans le fil du récit, les quelques traces d’art croisées dans l’environnement, […]