J’ai trouvé au milieu d’une montagne d’anciens « beaux livres » plus horribles les uns que les autres, de ces gros machins qu’on offrait à Noël au siècle dernier, un livre de photos de Julio Cortázar. De photos ? De Julio Cortázar ? Oui, mais aussi, et surtout un texte comme tombé du ciel, vrai miracle accompagné ou plutôt dialoguant avec des photos souvenirs, touristiques (cadrées bien sûr, mais surtout grandement améliorées par Antonio Galvez) de l’observatoire de Jaïpur.
« Prose de l’observatoire » c’était chez Gallimard, carré et noir, traduit en 1988, mais datant de 1972. Sur la page de garde, un « image et mot » s’annonce comme une collection, qui, je pense, n’a pas eu lieu.
Les photographies de l’observatoire construit par Jai Singh, l’un des personnages du texte, ne sont pas inutiles, mais pas non plus à la mesure de la beauté d’un texte puissant capable de générer des images obsédantes, très au-delà de cette architecture utilitaire qui à raz sol, tente de saisir l’arithmétique des étoiles. Il y même presque opposition entre cette raison mathématique des formes géométriques et le fantastique visuel des étapes de la migration amphihaline des anguilles. Même si l’observatoire ici ne vaut que par son objet. Le jeu du texte, c’est l’insondable des étoiles en miroir de l’insondable et insensée migration planétaire des anguilles, c’est la quête, la tension vers le mystère, vers un désir de sens d’un l’insensé hors d’échelle ou hors d’atteinte, c’est la marque ironique d’une définitive frustration des hommes, de leur pulsion scientifique…
Enfin, un texte superbe. Pur plaisir.