Il me prend comme ça, régulièrement, de lire une chose que j’aurais dû lire longtemps avant, de lire l’une de ces choses que je connais depuis toujours, par l’aura, par la simple réputation, par les lectures vantées par d’autres lecteurs croisés. Et j’aime ça, aller y voir par moi-même et confronter mon actualisation brutale au balourd culturel, parfois cultuel, que se trimbale l’œuvre. Je suis habitué aux surprises et plus du tout surpris, justement, de découvrir que la réception gonflée a gonflé, minimisé, dévoyé, tordu, et enfin même inversé le sens d’une œuvre ou l’intention globale d’un auteur. La réception est une traitresse sans scrupule qui use à son aise des auteurs sans parfois attendre qu’ils soient morts. Mais peut-on considérer, comme l’on parle de plagiat par anticipation, qu’un auteur trahisse sa réputation posthume ? Pas à un paradoxe prêt, pourquoi pas ? John Fante, on m’a dit de le lire, combien de fois ? on me l’a vanté, par des lecteurs qui se vivaient subversifs et « contre-culture », oui. Et voilà, des décennies pus tard, j’y découvre un enfant de chœur, fils à maman, petite classe moyenne chouineuse (on est loin de Jim Tully), et surtout bon vrai connard misogyne, comme il se doit, jusqu’à la trouille des filles et cette libido d’enfant de 8 ans ! Et pour le racisme ? C’est ambigu, c’est ambigu. Beau paysage ! Alors quoi ? Je suis trop vieux ? J’ai raté un auteur qui se goûte plutôt à l’adolescence ? On pourrait en discuter à n’en pas finir, mais voilà. Constat. C’est pas pour moi. Et quant à le lire trop tard, peut-être, je crois bien que dès 14 ans je n’aurais pas apprécié. Et pour ce qui est de la culture US « impertinente », je suis bien content que mon adolescence ait préféré croiser Henry Miller, Philip Roth ou Bukowski. Que ce dernier, d’ailleurs, ce vieux Bukowski, tente de vendre celui-là m’est un mystère ! Devait encore être bourré !
Demande à John Fante
Publié le 28 mars 2022