Ce matin, il pleut et l’air pue. Derrière la bruine, un fond de moiteur reste des jours torrides. Ce week-end fut étrange, silencieux, très interne. Fonctionnement automatique, mais inexorables processus mentaux. Ces étranges reboots sont peut-être ce qui marque le plus ma personnalité. On efface, on oublie et on repart à zéro. Je ne dis pas que ça durera jusqu’à la mort, comme ça, vers un devant incertain dont la seule certitude est qu’il s’approche de plus en plus vite, mais après un demi-siècle, c’est encore le cas. Reboot.
Je suis plus tourmenté par ce qui reste que par ce que je perds. Capacité à perdre. J’avais appris enfant à faire semblant de perdre, pour provoquer un sourire plutôt qu’une grimace (car le méta-jeu était déjà plus important que le jeu, pour moi).
Bourdonnement, juste à ma droite. Pourrait être une grosse mouche prisonnière du rideau trop lourd. Je le tire, mais découvre un gros bourdon idiot, maladroit, qui rate systématiquement les deux fenêtres ouvertes. Je lui parle. Il s’entête à se cogner aux vitres lumineuses : « Je ne sais pas comment t’aider, tu sais… ». Il s’épuise, s’épuise. Il est énorme. D’un dernier effort trop haut, il vient de se sonner. Maintenant, prudemment,il marche, doucement, testant des antennes son environnement hostile. Je le vois mieux, je distingue qu’il a une patte folle, qu’il traîne péniblement.
Pas de métaphore. Juste un minuscule drame. Le monde est ainsi couvert de drame. En face, dans chaque appartement, les chats hésitent entre rentrer et sortir, pour faire chier. Ha, le bourdon grimpe sur le rebord d’une fenêtre à la force des pattes. La lumière est là, là, mais quelque chose le bloque… Derrière, le réel, devant, « ça ». Pas de métaphore ! résiste ! Laisse cette petite bête à son drame nu.