Un jour, je me suis réveillé la bouche pleine de terre. Et la chose ne m’a même pas surpris. J’étais dans un jardin, sur le bord d’une route qui coupe une colline surplombant la ville où j’habitais. J’étais seul. Je me retrouvais là à cause d’une douleur ignoble, celle du chagrin commun du pauvre amoureux délaissé. J’étais parti seul dans une virée vertigineuse. Comme cette fois où j’avais suivi R. , un autre R., depuis artiste reconnu parmi les FRACS, qui était déjà une vedette des boites de nuit. Il m’avait accompagné, et acceptait de m’écouter déblatérer mes inepties de mec amoureux. Je me souviens que tous les serveurs le connaissaient, que les filles venaient se lover contre lui, pendant que, tête baissée, j’expliquais pourquoi je l’aimais, elle. Comme s’il y a avait un pourquoi. Je me souviens de sa patience ennuyée, et je me demande bien pourquoi il avait accepté ça. Mais ce matin-là, ce n’était pas cette virée-là. En fait, je ne me souviens que de ça, le réveil, avec la bouche pleine de terre bien grasse, bien noire, comme ma cervelle.
Terre
Publié le 24 avril 2013