C’est amusant, je me décide à replonger, je replonge donc, et l’acte me ramène à ma première expérience de blogueur, et au contexte de celui-ci… Comme pour mon inscription sur facebook il y a un peu plus d’un an, j’avais ouvert le blog en 2006 parce que je devais en parler dans le mémoire que je devais écrire pour obtenir un diplôme universitaire. Et mon souvenir serait resté circonscrit aux symptômes psychologiques, comme cette dépression aussi brutale qu’insondable si je n’étais pas passé voir ce qui se postait sur facebook. Je sais que je vais y trouver des nouvelles de cette étrange communauté de gens qui ne se sont parfois jamais vus. Je me rends compte aujourd’hui comme j’ai eu le nez fin de refuser d’écrire sur les réseaux sociaux sans expérimenter « en grandeur réelle ». J’en aurais dit des conneries ! En haut du mur d’actualité, je découvre qu’André a supprimé (si j’ai bien compris) un billet particulièrement réactionnaire sur son site communautaire. Et, en lisant les commentaires, mon souvenir glisse sur autre chose, un autre angle, moins personnel, moins psychologique, et je me souviens brusquement un moment extrêmement particulier de l’écriture du mémoire… Un moment dont j’avais décidé de ne jamais parler. Mais la coïncidence, entre ce que je perçois du billet supprimé et une partie de mon mémoire, et le fait que certains de mes amis facebook sont des universitaires, et la réouverture de ce blog, me donne l’occasion de marquer, d’avouer peut-être, ou de faire semblant d’avouer ce qui s’est passé en ce mois d’aout 2007, alors que je devais rendre un texte et que les jours m’étaient comptés. Je n’avais pas pu écrire pendant l’année universitaire. Pour écrire le mémoire, j’ai posé mes vacances, les matins plus précisément pendant exactement 20 jours, et pendant ces 20 matins, je n’ai pas levé les yeux du clavier et des piles de livres qui m’encadraient.
Je ne suis pas un « jeune étudiant ». J’ai de l’expérience, mais je connais mal le monde universitaire. Malgré ça, une seule année m’a permis de comprendre une chose inouïe sur l’Université : on ne peut pas tout y dire, et derrière le discours rabâché « on peut tout affirmer si on argumente », toutes les idées ne se valent pourtant pas, et parmi les choses que j’ai détectées comme inaudibles, celle-ci qui me concernait : toute présentation positive des phénomènes produits par l’Internet disqualifiait plus que tout autre chose, et était immédiatement diagnostiquée comme de la naïveté, au moins… Bien sûr, on peut penser que c’est un simple réflexe de défense, que l’internet est un lieu concurrent de l’Université qui sent « collectivement » le danger de dissolution, de vol de prérogative, simplement de concurrence directe… Pour être plus méchant, j’ai croisé plusieurs fois des preuves d’une autre peur : L’Internet, comme immense bibliothèque indexée, démontre en quelques « clics » malins, l’absence de vrai travail chez certain, voir de connaissances historiques réelles d’autres « experts » pourtant très officiels. Ha ! Les pré-numériques ! Il faudra que j’en reparle à propos de l’histoire de la bande dessinée… L’internet, en donnant accès à un corpus inédit de document, a surtout démontré que des universitaires avaient construit une carrière, une vie entière sur une connaissance infinitésimale, et donc fautive de l’histoire du médium. Ceux-là détestent Internet et je les comprends, d’une certaine manière.
Donc, levant ce voile nouveau pour moi, et découvrant les coulisses, les secrets de familles, les mesquineries de cette communauté conforme à toutes les communautés humaines, devrais-je en avoir honte ? je me souviens parfaitement comment, en écrivant, chez moi, j’ai souri brusquement devant mon Powerbook vieillissant, en comprenant, non que j’allais suivre mes idées, et « dire » ce que je pourrais avoir à dire, mais que j’allais écrire ce qu’ils attendaient, ce qu’ils allaient vouloir lire, « pour la note », car phénomène encore plus étrange, l’université comme le bistrot est parcourue par des énoncés, et oui, des pures idées reçues, ces objets du langage qui pourraient passer pour l’antithèse de la science ! je ne suis pas fier de n’avoir eu aucun mal, aucun scrupule à me plier à cet exercice. Mais je me souviens encore de ce sourire pervers qui accompagnait l’écriture, mot après mot ! Pas de tout, je n’aurais pas réussi, je n’ai pas l’envergure des grands imposteurs, non, juste une conclusion qui contredirait l’ensemble, comme une offrande faisandée à un dieu aveugle.
Ce qui reste étrange pour moi, un mystère profond, c’est la qualité de ce sourire, de cette assurance, jouissance perverse, peut-être dû à l’extrême fatigue à l’approche de la fin du délai de livraison du mémoire, la douceur de ce démon qui me susurrait que j’allais, d’une certaine manière, les « piéger » avec une conclusion réactionnaire des plus dogmatiques !
En montant l’escalier, j’ai croisé l’un des membres du jury, et j’ai compris à une réflexion que j’avais vue juste, et en effet, j’avais exactement pondu ce qu’il fallait, dans ce contexte-là, à cette époque-là, sur ce sujet-là. J’avais su absorber les codes, les références, les tics, pour produire un objet formaté, si formaté qu’il me valut des éloges. Et je suis ressorti sonné de la salle, alors que j’avais été mauvais, déprimé (j’avais oublié le câble pour mon portable, et le portable qu’on m’a prêté à saboté ma présentation), alors que je trouvais tout si faible, j’étais si méjugé. J’aurais aimé qu’on détecte le degré d’imposture, j’aurais aimé, j’aurai souri, diplômé ou pas, j’aurais peut-être même éclaté de rire ! Non. Rien. Avais-je sali une chose respectable ? J’en suis sorti glorieux, plus vil et plus bas encore.