Un dimanche, partir du Point aveugle de Javier Cercas, chercher le cadre de la citation de Gorgias dans Plutarque (et j’aime Plutarque. Toujours agréable d’y revenir), s’intéresser au premier roman picaresque (dit « premier roman » chez Cercas, mais laissons-lui), découvrir La Vie de Lazarillo de Tormes, le télécharger en diverses versions et se promettre de s’y perdre un peu, zapper le Quichotte pour le jour pour explorer d’autres archéo-romans espagnols, avec Mateo Alemán et Quevedo, baroque concentré…
Et je me demandais… Alors que le roman commence si bien, en opposition quasi marxiste avec la littérature précédente, comment avait-il pu se laisser subtiliser et transformer en roman bourgeois ?
Et ce n’est pas un problème formel, mais de qui porte le récit : qui est le héros.
Quelques années avant « la vie de Lazarillo de Tormes », en Italie L’Arioste écrit un roman, lui aussi, une parodie des genres antérieurs, lui aussi, et lui aussi ose une transgression sociale passée relativement inaperçue. Mais il n’est pire aveugle…
Et donc, personne ne raconte « vraiment » Roland furieux (j’en parle ici) : l’histoire d’une jeune princesse de Chine, séduisante, de meurs légère, très courtisée par tous les princes de son époque, qui passe son temps à les fuir et à s’en moquer et qui, à la fin, choisira un simple soldat blessé forcé à la retraite… Un simple soldat ! Un pauvre ! Sans nom, sans titre !
(Il faut ajouter à ça le fait que le personnage principal est une femme, comme un peu plus tard dans Moll Flanders…)
Oui, au tout début du XVIIe siècle, en littérature (comme en peinture avec les Frères Le Nain, tiens !), le héros n’est plus prince ou roi, ou chef de guerre, mais pauvre !
Et ceci, en Italie, en Espagne, en France, en Angleterre, en Allemagne et même au Mexique…