Voilà, si vous avez lu les deux premiers chapitres, j’ai maintenant à disposition des collections d’images thématiques, dont les thèmes m’ont été dictés par l’observation d’un flux d’image alimenté par plus de 450 blogs tumblr. De nouveaux thèmes pourront émerger, s’imposer, et d’autres que j’avais « pressentis » se sont avérés décevants.
Ce qui est à comprendre, au vu des premières réactions et de quelques conversations, c’est que je ne suis pas un utilisateur lambda sur Tumblr. En général, on me dit « je n’ai pas la même expérience que toi». Mais si je m’en étais tenu à une expérience d’utilisateur lambda, ou de « joueur » adolescent qui chasse le follower, je ne verrais passer que des images ayant de près ou de loin rapport à l’Histoire de l’Art dans un cas, ou des Lolcats dans l’autre. Je n’aurais pas croisé les obsessions visuelles involontaires des « autres », à définir, ni la pornographie dont je n’ai pas l’usage. Pour avoir une idée, même imprécise, de ce qui parcourt ce réseau en arrière-fond, il fallait accepter ce que personne ne fait jamais : s’abonner à des blogs avec lesquels je ne partage à priori rien. Je dis à priori, car je crois que je partageais bien plus de choses avec mes contemporains que je n’aurais pu l’imaginer, et surtout que je n’aurais dit si l’on m’avait demandé de décrire mes goûts.
Pour préciser le choix de ce que je nomme « collecteur éclectique » préféré aux collectionneurs compulsifs, ces derniers, les collectionneurs, sont des gens « en contrôle », ils maitrisent leur sélection d’images. Les collecteurs éclectiques, parce qu’il se laisse aller à l’impulsion de partage sans choix préalable, laissent passer inconsciemment ce « bruit de fond » que je tente de capter…
Mais avant tout, les limites de cette expérience :
Même si mon « panel » s’est élargi avec le temps, je ne peux nier que ces blogs qui s’abonnent aux miens et donc auxquels je m’abonne à mon tour s’approchent de moi par affinité. Et je ne peux pas considérer que mon flux d’image représente l’entièreté du spectre social présent sur Tumblr. Les ados mâles collecteurs de gag TV ou les filles accros à la mode sont par exemple deux grandes catégories sous-représentées. De plus, surtout dans mes débuts, je me suis abonné à quelques blogs « à haut niveau culturel » qui faussent peut-être ma vision d’ensemble. Malgré tout, pour en avoir discuté autour de moi, tous s’accordent sur une chose : la jeunesse, la féminisation et le haut niveau culturel de ce réseau. Tumblr se présente lui même comme le réseau social des « créateurs ». Et en effet, puisque la part sociale demande une publication web, c’est-à-dire de faire vivre un blog, c’est beaucoup plus discriminant que facebook ou il suffit d’exister en tant que personne… Tumblr « oblige » d’une certaine manière à être auteur ou éditeur. Pour être exacte, c’est le cas de toute activité Internet, et c’est bien pour ça que Internet ne concerne pas tout à fait tout le monde. Mais Tumblr, avec ces « vrais blogs », impose une identité d’auteur/éditeur traditionnelle. Ces « partageurs », ou collecteurs, donc, font un travail de choix et d’édition très classique, là où sur les autres réseaux, en général condamné au flux sans mémoire, le partage est l’acte et la finalité de l’acte. Tumblr n’est pas le seul dans ce cas là. Pinterest, par exemple, se « vend » ainsi, sur la pérennité du partage. Et j’ai souvent entendu des plaintes à propos de l’enterrement trop rapide de toute information sur Facebook…
Donc, ces collections d’images…
Puisque le Web est le lieu des grands nombres et que nous sommes cognitivement mal équipés pour les appréhender, la métaphore est celle-ci : je suis un minuscule estuaire qui se jette dans un océan. Mes eaux douces se mélangent superficiellement à l’immensité de l’eau salée et n’ont pas prétention de représenter toute l’eau de l’océan. Mais même tumblr, qui doit avoir quelques chiffres sur lui-même, ne peut en avoir que sur ce qui est « quantifiable », indexable… Ils ne peuvent même pas savoir la proportion d’hommes et de femmes tenant des blogs, car il n’y a aucune obligation à signaler son sexe…
Comme indication, parmi les plus jeunes, il est courant d’inscrire son prénom, le chiffre de son âge (si vous voyez un chiffre isolé, c’est ça), et parfois l’origine géographique. Et certains autres, qui en ont marre d’être dragués, signale explicitement « Not a female »…
Malgré ces prévenances, j’ai tenté d’observer dans les meilleures conditions possible, et je vais esquisser quelques pistes de lectures, et comme je l’ai déjà évoqué, cette lecture s’est trouvée depuis confortée par l’usage de ma taxonomie sur d’autres médiums (ce qui montre deux choses : L’imaginaire est bien partagé, jusque chez les réalisateurs qui se considèrent comme des « auteurs », et le marketing sait déjà ce que je découvre naïvement…).
Les obsessions visuelles majeurs
L’image est une femme / L’homme est une jeune femme blonde…
Ou plus précisément, l’humanité est représentée par une jeune femme, entre 16 et 25 ans, aux cheveux blonds très longs, très blanche de peau alors même qu’elle a une nette propension à s’exhiber nue sous le soleil. Elle ne bronze jamais, donc… Un paradoxe ambulant !
Et au bout du compte, une forme d’« esthétique de la jeune fille blonde » qui s’impose massivement par les cheveux, la peau et les accessoires… (Quid du Web Chinois ?).
Un Tumblr très « esthétique de la jeune fille blonde », qui montre que les brunes ont le droit d’exister, mais contre les évidences, en minorité :
On retrouve ici le même constat que pour la pornographie professionnelle qui utilise majoritairement des blondes. Les autres couleurs de cheveux, et les peaux plus foncées ou « ethniques » sont minoritaires, même si les noirs américains sont très présents sur Tumblr. Au bout du compte, ça devient vite désagréable, et cette étrange dictature pose quand même quelques questions d’ordres idéologiques… Les comparaisons historiques sont toujours abusives, mais l’esthétique globale m’a fortement évoqué celle de Monte Verità, un mouvement «retour vers la nature / simplicité / pureté / nudité / blonditude extrême » qui a été l’un des tremplins culturels du nazisme…
Qu’on m’entende bien, je n’ai rien contre les blondes, ni les brunes ni les rousses ou vertes (ma mère a eu les cheveux verts dans les années 60… un accident. Et depuis le visionnage du dernier Abdel Kechich, j’ai juste un problème avec le bleu), mais c’est l’effet de masse qui finit par poser quand même quelques questions sur ces « représentants de l’espèce humaine » que « nous » plébiscitons partout.
Mais avant même d’être une jeune fille blonde, l’image est une femme. C’est ce que je me suis dit, intuitivement, après le visionnage de dizaines de milliers d’images en flux. Et ceux qui se souviennent d’Orange mécanique savent que c’est une torture. Sans preuve, j’avais l’impression que les images représentaient majoritairement des femmes… Intuitivement… Il fallait donc compter. Pendant dix minutes, j’ai réalisé le décompte des femmes et des images « autres ». C’était il y a quelque temps déjà, le mercredi 21 aout 2013, et je n’étais alors abonné « qu’à » 322 blogs. De 10h à 10h 10, j’ai vu passer 240 images. Et contrairement à mon impression générale, les femmes ne sont pas majoritaires… Je relevais 114 représentations de femmes pour ces 240 images… 47,5 %, une petite moitié.
Oui mais… il y a un mais. C’est que les « autres » représentent TOUTES les autres sortes d’images ET LES TEXTES ! Pendant ce laps de temps et sur ces plus de 300 blogs, la moitié des images postées/partagées représentaient des femmes. Et le reste ? Le reste se partage entre les hommes, les groupes, les paysages, les architectures, les objets, les poèmes, les aphorismes, les gags, les animaux, etc.
Tout ce qui peut être posté.
On peut en déduire que mon impression visuelle n’était pas si fausse et que « l’image est une femme », formule amusante, mais aussi lourde de conséquences.
Misogynie, idéologie ?
Si j’ai croisé beaucoup de militantisme « mondialiste », « progressiste » et beaucoup de sympathie pour toute image de rébellion, manifestation, je dois admettre que le féminisme va mal, très mal, dans la représentation. Comme aujourd’hui dans la rue, les différences de genre sont fortement marquées, voire accentuées par le choix des « corps humains » qui nous représentent. Les mâles sont survirils, immenses, et les femmes sont beaucoup plus petites, ont les cheveux longs, accessoirisées et très largement soumises. Les images de soumission se retournent d’ailleurs partout, très loin des réseaux spécialisés, à côté des pénétrations en GIF animés dont je reparlerais ultérieurement. Une certaine imagerie « dégradante » semble « fun » et « assumée ».
Mais je ne tire aucune conclusion hâtive de cette observation. En particulier, je ne crois pas à l’hypersexualisation de la jeunesse, ne confondant pas représentation et pratique réelle. Je pense même que tous ceux qui se prennent dans des situations obscènes dans les miroirs des bars et boites (miroirs beaucoup plus grands que ceux qu’ils ont chez eux), ne « pratiquent » pas le centième de ce qu’ils semblent emmètre en matière de liberté des mœurs. On est dans le cadre de la vantardise, de l’affichage social. Et le premier cercle social des tumblrs, comme des autres réseaux, est « les amis »/«la classe »/« le lycée »/« la fac », et dans ce cadre, il est bon d’assumer sa coolitude par l’affichage d’une dose minimum de pornographie, même si dans sa « vraie vie », on est très prude voir complexé. La pression du groupe, le mymétisme, joue ici à plein. Ces images sont l’équivalent visuel d’une grossièreté hurlée et assumée en pleine rue. De là à en tirer des leçons sur une hypersexualisation généralisée de la jeunesse… je crois que c’est un fantasme de sociologue ou de journaliste. Que les étudiantes (plus rarement les garçons qui montrent leurs muscles ou leur outillage) se servent de ces pratiques de partage pour mesurer leur niveau d’attractivité sexuelle dans une sorte de concours perpétuel, peut-être, mais sans que ça ne concerne tout le monde… Et, pour avoir collecté ces autoportraits dans le miroir (selfie), que j’appelle dans ma collecte « l’icône du temps » (blog fermé), puisque c’est l’image la plus représentative de notre époque, l’on croise souvent la trace d’une photo enlevée par Tumblr suite à une plainte. Ce qui tendrait à montrer que souvent, le cliché n’est pas ou plus assumé, ou s’est retrouvé sur le grand Web par malice et n’avait initialement qu’un usage socialement restreint. (Il existe un tumblr particulièrement malsain qui collecte des photographies d’ex nue. Beaucoup d’images manquent suite aux plaintes des intéressées…).
Le regard féminin
Mes petites collections sont ambivalentes. En effet, parfois, je me suis cru malin en provoquant une collecte sans pour autant avoir observé une tendance. Et l’échec de ces collectes-là est aussi intéressant que la profusion d’images pour d’autre. Je trouvais « amusant » de récupérer les images de combats de femme (fantasme ? Hum… je pensais plutôt que c’était un cliché de l’imaginaire populaire). Échec. Presque rien. Abandon. Autre erreur : les « voyeuses ». J’en ai vu passé une, deux, et pas grand-chose ensuite. Voilà un échec particulièrement signifiant. En effet, la rareté des voyeuses met en lumière l’absence du regard féminin dans la représentation. Et ceci, autant dans la justification même de l’image que dans sa mise en scène. Et ce regard féminin est si absent des images (donc, hors de l’image, dans l’image) que même lorsqu’une femme est présentée devant une fenêtre, il est très rare qu’elle regarde quelque chose dehors. Non, même devant une fenêtre, son regard se perd en intériorité, en mélancolie, dans le vague d’un rideau ou du mur à côté. « La femme » ne regarde rien, elle est pensive… Seul l’homme regarde la femme (dans l’image, hors de l’image), puisque l’image est une femme… Comme si la logique mécanique des sexes se reproduisait dans l’orientation du regard. Voilà qui éclaire un territoire politique presque vierge : la conquête du regard pour les femmes. Presque, car je dois tempérer cet étrange constat en notant l’apparition significative de la « femme photographe ». Mais malheureusement, celle-ci est souvent factice. C’est-à-dire que même s’il y a beaucoup de femmes qui se prennent en photo ou qui prennent en photo, cette femme photographe est régulièrement un « simple modèle » dont l’accessoire « sexy » est un appareil photo.
Donc, cette collecte présente des exceptions qui confirme la règle : http://cercle-alighieri.tumblr.com/tagged/voyeuse (blog fermé)
Le corps ?
La représentation du corps humain est évidement majoritaire, mais l’on remarque très rapidement une tendance de fond, vraiment massive, à colporter toute parcelle de peau altérée par quelque chose, tatouage bien sûr, mais en nombre impressionnant, les marques de soutien-gorge et traces en tous genre, avec évidement, les bleues, griffures, coupures, voir plaies ouvertes, et une manie récurrente du message au stylo. La peau est le premier support du « message », celui-ci allant de la déclaration d’amour à la revendication politique en passant par l’aphorisme philosophique…
Nous sommes dans le cadre simple de l’affichage des « blessures de guerre » pour les skateurs aux genoux éclatés, ou les phalanges coupées des bagarreurs compulsifs, mais peut-être plus encore devant l’indice d’un problème d’identité de l’individu confronté à la multitude et à l’uniformité. La marque sur la peau est peut-être une réaffirmation de sa singularité. Mais cette collecte-là est trop riche pour qu’on en épuise le sens ici, et surtout, je n’aime pas trop ces théories en kit et ces évidences communes. Je pense, comme pour d’autres typologies, que ces images présentent plusieurs tendances parfois antinomiques, et qu’il faut y porter attention avant de s’imaginer comprendre.
Le corps est donc tout autant représenté dans son entièreté que morcellé. À noter une passion pour les cadavres et scènes de crime, passion que je ne partage pas, et donc j’ai abandonné ce domaine. Et une tendance très lourde, les mains, doigts, ongles en gros plan, mais aussi la langue, avant les yeux… J’ai eu le plus grand mal à collecter les langues, trop nombreuses et se ressemblant toutes, ce qui fait qu’au bout de quelques jours, je ne savais vraiment pas si je voyais toujours passer la même image ou une variante… Limite de ma mémoire visuelle…
Eau à tous les étages :
L’image, c’est l’eau. Après la femme donc… Je n’ai pas plus que ça envie de revenir à Bachelard, mais l’eau sous toutes ses formes est une immense obsession visuelle contemporaine. Et parmi le tsunami d’image représentant l’eau, de près, de loin, de haut, de dedans, en goute, en océan, lorsqu’on croise l’eau et la femme, on obtient « la fille sous l’eau » (blog fermé). Et je vois déjà deux raisons pragmatiques à sa subite prolifération : la prolifération des piscines qui accompagne le triomphe d’une grande middle class mondialisée, et l’évolution de la technique et du marché qui a mis à la portée de tous des photographies sous-marines longtemps réservée à de rares professionnels. Ceci pourrait expliquer pourquoi même parmi les pinups des années 50, le cliché est rare, alors qu’aujourd’hui, il est difficile de passer sur un blog de collecteur éclectique sans en croiser au moins une, de « fille sous l’eau ». Quant à l’imaginaire qu’elle colporte, il a ses ramifications de la mythologie au fantasme social contemporain. Mais je réserve ça pour plus tard…
Bestialisation
Encore un tsunami : L’association de la féminité avec la bestialité. C’est l’un des fondements de la mysoginie que l’on résume par l’opposition «femme/nature <-> homme/culture ». Donc, le regard masculin est présent sur presque toutes les images du monde (culture), et ce regard pesant sur la féminité (nature) a peu bougé depuis notre moyen-âge. Mais comme pour les stigmates, la collecte présente des tendances antinomiques, comme les femmes avec singe, un genre en soit, où la bestialité est endossée par le personnage masculin et et qui se classe dans la même catégorie que toutes les réminiscences du Petit Chaperon rouge, pour lequel il existe déjà une large littérature scientifique (en particulier psychanalytique). À contrario, la légion des femmes bestialisées, hybrides ou accessoirisées. Il y a ici une grande persistance des codes, de l’imagerie traditionnelle au numérique, puisque cette bestialisation se retrouve universellement dans toutes les mythologies du monde. J’avais déjà abordé le sujet à propos des femmes félins ici : la femme-félin, figure zoomorphe transculturelle. Mais le mécanisme d’association est si courant que j’ai très vite arrêté de collecter, dépassé par l’ampleur du flux…
Lieu et objet fétichisés :
– Un lieu fétichisé est un lieu qui, s’il peut servir de décor à une mise en scène, se retrouve tout autant représenté pour lui-même. C’est le cas du lit ou de la baignoire, ou encore la table basse pour ce qui est du cadre privé, et de l’avenue de très grande ville ou le bord du lac de montagne, véritable passion contemporaine qui tend même à supplanter l’océan. J’ai croisé peu de plages, remplacées par la piscine ou les eaux douces sauvages. On peut noter rapidement la disparition des îles paradisiaques, mais aussi des campagnes, et en général de toutes natures domestiquées (il y a des champs parfois, lorsqu’une fille nue s’y prélasse…). Mais aussi des banlieues, des petites et moyennes villes. Le décor est de deux catégories : Centre de mégapole ou nature sauvage, avec prédilection pour la montagne.
– Un objet fétichisé, de la même manière, se retrouvera autant tenu ou utilisé par un humain que présenter pour lui-même. C’est le cas de la tasse de café ou de thé qui, et c’est l’une de mes grandes surprises, dépasse largement les représentations de l’alcool (lorsque j’étais ado, la mode était aux photographies de cocktail colorée dans des verres géométriques. Nous n’aurions pas eu l’idée d’accrocher un poster de café chaud au mur de notre chambre !). Ma collecte est maigre, car j’ai mis très longtemps à me décider à collecter les représentations de café et thé. Mais ma petite tête refusait de trouver ça signifiant, et même, je trouvais ça particulièrement insignifiant, ce qui était une très grave erreur. Non, si je voyais passer une tasse à café ou à thé toute les dix images, c’était bien que la chose devait avoir un sens !
Parmi les objets fétiches, donc, le lit et la baignoire, qui sont aussi des décors, mais surtout le miroir, l’appareil photo (souvent argentique. Je regrette d’avoir collecté les appareils photo depuis seulement quelques jours. j’en ai tellement vu passer !), le smartphone, le vélo (avant la voiture, et presque systématiquement associé à la féminité), l’ordinateur portable (souvent pommé), les chaussures (premier représentant des vêtements et de l’obsession des marques. Mais les chaussures gagnent en noblesses lorsqu’elles sont usées jusqu’à la corde), les armes (majoritairement tenues par des femmes), et donc, les tasses de café ou thé…
Sexualité
Le sexe, la grande affaire ! Donc, je ne parle pas des tumblrs spécialisés, du réseau porno et des amateurs, mais des images qui se retrouvent « perdues » au milieu de Tumblr à l’imagerie par ailleurs anodine.
Après avoir croisé plusieurs fois « pansexuel » après le prénom et l’age du créateur d’un tumblr, et malgré une première recherche, j’ai du demander à un ami de me préciser le concept… Il semblerait que la jeunesse américaine en particulier, s’affiche comme ayant des goûts extrêmement larges que ne couvrirais pas la « simple » bisexualité. Je crois qu’il faut y voir l’affichage d’une grande tolérance en matière de pratique. Mais encore une fois, il est rapidement évident que cet affichage est « politique » et ne correspond à aucune pratique personnelle.
Mais ce « pansexualisme » se retrouve donc dans les images colportées, qui sont sans tabou apparent. Leur choix semble plutôt motivé par des critères esthétiques, de provocation, comiques, de bizarreries, etc.
La responsabilité des photographes…
Il n’y a pas que des mécanismes de persistances, d’évolutions ou même de renversement de sens. Il y a parfois apparition d’une imagerie. Ceci est en général mis en lumière dans la collecte par l’absence d’images anciennes.
Car il aurait fallu noter qu’il y a peu de discrimination culturelle dans le partage. Le genre, la technique, l’ancienneté, la noblesse ou la vulgarité sont des critères souvent secondaires devant le thème ou le sens. Même si pour certains ces critères sont des moyens de la distinction culturelle. Comme moi ? Dans le premier Tumblr, et moins dans les suivants.
Donc, parfois, la collecte met en lumière le moment historique d’apparition d’une imagerie. C’est évident pour «la jeune fille dans la forêt» qui apparait avec la photographie. L’appareil photo a servi depuis son origine à dénuder les filles. Et pour les dénuder tranquillement en extérieur, rien de mieux que la forêt où l’on est à l’abri des regards.
Car longtemps, la forêt n’existait pas dans la représentation, exclusivement consacrée au domaine humain. La végétation était celle du jardin, des cultures, et lorsque la forêt apparait, avec le romantisme et la « grande nature », c’est un lieu ou l’on n’imagine pas une femme. Ce sera encore longtemps un environnement hostile, sombre et dangereux. Et dans l’imaginaire, la forêt et la femme évoquent surtout « le petit chaperon rouge ». Ainsi, on ne compte pas les photographes qui mettent en scène un cadavre de femme dans la forêt (viol ou meurtre simulé), et le conte entre alors en collision avec les pires faits-divers contemporains. Mais impossible de nier que cette image de la femme dans la forêt est une obsession visuelle contemporaine, née avec la photographie donc, et qui a évolué lentement, cadrée actuellement par la mode des sérials-killers d’un côté, et le « retour à la nature » des pulsions écologiques de l’autre… Ha non, il manque aussi l’imagerie gothique et fantastique de l’heroic fantasy…
Étranges fantasmes…
Depuis que j’ai brassé toutes ces images, mon regard sur le monde a beaucoup changé. Je crois que ma vie aurait été différente si j’avais su avant que les femmes pratiquaient si souvent le vélo et la lecture dénudées !
Mais au-delà de la blague, le motif de la lectrice, déjà présent dans la peinture (Fragonard par exemple), est l’un des rares cas ou l’imaginaire coïncide avec le réel. Non que les femmes lisent systématiquement nues, comme sur les images, mais que, d’après l’Insee, chez les adultes, 72 % des femmes lisent contre 57 % des hommes. Nous le savions déjà, nous sommes dans un monde de lectrice. Mais le ratio n’est pas respecté dans l’imaginaire, car je n’ai presque jamais croisé d’homme lisant en 5 mois d’observation… Sur les images, seules les femmes lisent… Et la collecte de ces lectrices a été la plus simple, devant le foisonnement, et j’ai dû rapidement me désinscrire lorsque j’ai compris que cette imagerie était collectionnée, comme peut l’être « la femme au téléphone filaire » qui a étrangement survécu à la désuétude de l’appareil.
Voilà pour cette première lecture rapide et assez arbitraire. Je tenterais une synthèse au prochain chapitre…
Chapitre suivant : Tumblr, la sédimentation d’un imaginaire commun. 4 / subjectivité
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