(Voir : bonobo.net/bibliographie-bd-a-lusage-des-etudes-visuelles )
1. Le rapport au réel : l’actualité / l’Histoire
Parmi les littératures graphiques, le comics US a par tradition l’habitude de coller à l’actualité du monde en général, et de la politique américaine en particulier.
• 2e guerre mondiale -> Captain América / Submariner / Wonder Woman
Vaste sujet ! Bientôt ?
• Guerre du Vietnam -> Dardevil
Dardevil est un avocat aveugle le jour, et un justicier toujours aveugle (comme la justice) la nuit… Sa particularité, pour un super héros, c’est son côté très « local » : c’est le super héros de son quartier (de New York). En effet, si Spider-Man n’aime pas sortir de New York… On le comprend, car en rase campagne il rampe, Dardevil fait pire en ne sortant pas de son quartier. Mais j’ai un souvenir lointain d’un épisode sur le Vietnam. Et bien j’ai retrouvé une page qui évoque la chose !
– Dardevil N°47 décembre 1968
• Le féminisme 70′ -> Wonder Woman (un aller-retour fiction-réel)
En 1968, Wonder Woman perd ses pouvoirs !
Grâce à une mobilisation menée par Gloria Steinem, une féministe américaine, elle finit par les récupérer. La perte des pouvoirs surnaturels de cette icône féministe maintenant chaperonnée par un « vieux chinois » fût vécue comme un camouflet insupportable par les mouvements d’émancipation de la femme. C’est un exemple rare de manifestations pour changer l’histoire d’une bande dessinée… Quand le militantisme influence une production de BD semi-industrielle.
– Ms. magazine, janvier 1972
– Wonder Woman N°178 septembre-octobre 1968
• Election d’Obama -> Spiderman
– Amazing Spider-Man #583 Marvel Comics 2008
Une page de BDTrash sur l’exploitation de l’image d’Obama dans le comics
Spiderman a une particularité, il se sert de ses périodes « en costume » pour exercer son activité alimentaire : photographe de presse. En effet, il paye ses études de chimie en profitant de ses pouvoirs pour faire des photos sur le vif des vilains qu’il combat. Dans le N° 583, il doit sauver Obama, et en profite pour le photographier… Bien sûr, son employeur toujours bluffé par ses clichés ne se demande jamais comment il obtient ses improbables angles de vu !
– « Drawn and Dangerous: Italian Comics of the 1970s and 1980s » de Simone Castaldi. University Press of Mississippi 2010
Une décennie noire de la politique italienne revisitée à travers la production BD
– « Drawing France: French Comics and the Republic » de Joel E. Vessels. University Press of Mississippi 2010
• Mafalda l’Intégrale tome 0
Édition des strips N/B de Quino commentés et contextualisés, avec une préface d’Umberto Eco. Une manière de replonger dans l’actualité politique du monde et de l’Argentine de la fin des années 60 aux années 70. Tous les grands thèmes de ces années-là traversent ces strips, tous les accidents de l’histoire sont commenté en temps réel par Mafalda. Ce sont les errances politiques de l’Argentine qui finissent par composer le petit monde de Mafalda, mais on y trouve aussi régulièrement de fortes charges féministes à travers la critique de la condition de sa mère, femme au foyer d’une famille de la classe moyenne. mafalda est logique et froide comme l’esprit, et déshabille la bêtise ordinaire d’une répartie géniale pratiquement à chaque strip.
— Mafalda l’intégrale chez Glénat 1999
• Ashita no Joe
Notoirement le « manga préféré des Japonais » (je ne sais pas jusqu’à quel point c’est vrai…), Ashita No Joe est dessiné comme du Tezuka, mais n’est pas du Tezuka. C’est tout aussi beau et lisible, mais c’est dessiné par l’un de ses nombreux « enfants spirituels ». Ce manga symbole de résistance, d’insoumission, aurait été arrêté sur ordre des autorités Japonaises, car utilisé comme étendard par les manifestants anti « armée rouge japonaise ». C’est aujourd’hui une référence souvent citée dans le manga contemporain (Bakuman, ou encore Coq de Combat qu’on pourrait considérer comme une variation « déviante »), et donc l’une de ces bandes dessinées qui ont eu une influence immense sur l’histoire du médium, et relative mais certaine sur l’actualité de leur pays…
— Ashima No Joe dessiné par Tetsuya Chiba, scénario de Asao Takamori. Est édité aujourd’hui chez Glénat dans sa collection « vintage ».
• Astro Boy (ATOM)
Impossible de ne pas marquer ici l’une des bandes dessinées qui a eu le plus d’influence sur son pays d’origine. Atom, le robot enfant, concept improbable (comment un robot peut-il être un enfant ?), variation futuriste de Pinocchio, est un pur phénomène dont on pourrait remplir des livres. Que fallait-il avoir à l’esprit pour inventer un personnage totalement positif s’appelant « ATOM » (« l’enfant de l’atome » littéralement, vous rendez-vous compte !) dans le pays qui venait de subir le feu nucléaire ? Atom conjure le sort, apprivoise dans son abdomen la puissance atomique, et invente un avenir possible à un pays doublement meurtri, d’avoir perdu une guerre, et d’avoir été du « mauvais côté ». Atom, c’est le sourire de Tezuka, qui refuse la guerre, la destruction et le manichéisme. Des dires mêmes des intéressés, le Japon technologique est né dans le cerveau des jeunes lecteurs d’Atom. C’est un destin unique pour un dessinateur de BD, mais c’est assez cohérent pour Tezuka, le « vrai médecin », qui va soigner les plaies de son pays tout en l’ouvrant au monde. C’est aussi celui qui va prendre la revanche douce, pacifique, sur le vainqueur américain. Mais il y aurait trop à dire et trop à décrypter. Pour conclure, y a-t-il un autre dessinateur de bande dessinée qui aura une telle influence sur son pays ? Disney, son modèle ? D’une certaine manière. Mais même si l’on considère Disney comme participant de la diplomatie américaine, voire comme le bras armé de son impérialisme, on tombe profond du côté obscur de la force… Le Docteur Tezuka est un djedaï (avec un béret, ok…).
—Astro Boy en anthologie actuellement chez Kana
2. Le rapport au réel : le reportage, le documentaire en bande dessinée
C’est un genre rare. Il existe surtout une exceptionnelle réussite du genre, par Jean Teulé, édité à la fin des années 80, mais qui se trouve aujourd’hui compilé en un seul gros volume aux éditions Ego Comme X :
• GENS DE FRANCE ET D’AILLEURS
2005 Ego Comme X
J’avais publié un article sur ce livre à sa sortie
extrait (je fais dans l’auto-citation maintenant…) :
« Une BD-reportage de Teulé, c’est tout simplement du plaisir, parfois pervers, voir malsain, mais du plaisir. Teulé l’antimoraliste étale les faits, la matière de l’histoire, et il faut parfois faire un effort pour y croire tellement c’est gros, à l’histoire. Mais alors que tout pourrait parfaitement être inventé, manipulé, la cohabitation du récit dessiné avec les photographies créé un phénomène de “pièce à conviction” qui ramène toujours la lecture dans la sphère du réel, du témoignage. On est choqué par l’anecdote, étrange, sordide ou violente, mais la photographie, la photocopie d’un document vient affirmer simplement “c’est vrai” et on ne peut plus y échapper, on ne peut plus échapper à ce qui a fasciné Teulé dans cette histoire-là, qu’il a choisi de rendre en BD et qui l’a poussé à se déplacer bien loin parfois. La morale, parce qu’il y en a une souvent cruelle d’ailleurs, suinte de l’histoire même. Sa position amorale, immorale peut-être, nous laisse approcher des personnages. Et cette proximité n’est pas sans implication. Seuls certains cinéastes réussissent ça, nous faire côtoyer nos frères en vilenie, en bassesse, en compromission. «
Le carnet de voyage est-il un sous-genre du documentaire ? Je ne sais pas, mais ce qu’on peut dire, c’est qu’il fleurit en bande dessinée depuis quelques années. Il suffit d’évoquer le prix du meilleur album du Festival d’Angoulême gagné cette année 2012 par « chroniques de Jérusalem » de Guy Delisle aux éditions Delcourt… Je ne l’ai pas lu, donc je n’en parlerais pas, mais je vais noter ici celui que j’ai préféré, parmi mes quelques lectures du genre : « Palace », de Simon Hureau. Ce Simon Hureau, hasard amusant, qui a gagné un prix cette année pour un autre livre. C’est pour moi l’une des plus belles réussites en matière de carnet de voyage, avec de véritables morceaux de bravoure en BD, pour arriver à rendre des atmosphères Cambodgiennes très diverses. On voyage avec l’auteur, on ressent avec l’auteur, et c’est quand même le principal !
• « Palace » et sa suite « Bureau des prolongations »
De Simon Hureau aux éditions Ego Comme X
• « Palestine », « Gaza 1956 – En marge de l’histoire », etc.
Le pape du reportage en immersion, c’est l’américain Joe Sacco… Avec un style pas si loin de Robert Crumb, underground donc, il plonge dans l’underground de la politique mondiale.
De Joe Sacco chez Rackham, chez Futuropolis, etc.
Pour rester dans la même veine, un livre qui n’est pas tout à fait de la bande dessinée, mais plutôt un roman graphique, qui évoque un épisode peu connu de l’histoire de la 2e guerre mondiale : le sort réservé aux gens d’origine japonaise résidant sur le sol américain après Pearl Harbor :
• « Citoyenne 13 660 »
De Miné Okubo, aux éditions de l’An 2 2006
Il y eut des camps, aux États-Unis, pour garder sous surveillance les gens d’origines japonaises qui y résidaient parfois depuis très longtemps. Mais la guerre déclarée, le gouvernement américain considéra ces Américains comme des ennemis potentiels dont il ne savait trop quoi faire. Ce roman graphique évoque et raconte le sort de ces oubliés de l’Histoire d’abord retenu en Californie, puis au fin fond du Nevada… C’est en témoin que Miné Okubo dessine et raconte cette étrange histoire.
• « La BD s’en va t-en guerre » (Film)
Je cite :
« de Mark Daniels, avec Joe Sacco, Ted Rall, Patrick Chappatte, Keiji Nakazawa, Marjane Satrapi, Joe Kubert, Emmanuel Guibert, Zeina Abirached, Steve Mumford, Greg Cook, David Axe.
La BD s’en va t-en guerre s’attache à décrire en profondeur comment des auteurs novateurs comme Joe Sacco, Art Spiegelman, Joe Kubert et Marjane Satrapi transposent des récits douloureux et violents en mots et en dessins. Le film explique non seulement l’approche des nouvelles BD documentaires, mais restitue leur impact via un style visuel accrocheur qui alterne entre le monde « réel » – photographique – et celui – recréé – des bandes dessinées des reporters de guerre. »
3. Le rapport au réel : la biographie
En général, la biographie est mise à mal pas la bande dessinée… mais s’il ne fallait qu’en citer une :
• Maus
Ce n’est pas à proprement parler « qu’une biographie ». Le si célèbre livre d’Art Spielgelman contient une partie autobiographique et se présente globalement comme une biographie de son père, mais cet ouvrage transcende les genres.
– L’Intégrale, « Maus » : un survivant raconte » Flammarion 1998
4. Le rapport au réel : l’autobiographie
L’autobiographie est aujourd’hui courante. Mais c’est une conquête récente dans ce cadre qui est passé par l’underground américain des années 60 et l’égo hypertrophié d’Osamu Tezuka… avant de se concrétiser dans sa plus grande pureté dans le « Journal » de Fabrice Neaud à la fin du XXe siècle.
• Robert Crumb
Bientôt…
• Osamu Tezuka
– « Ma vie manga », Kana 2011.
– « Histoires pour tous », Delcourt 2006
Alors qu’il était encore adolescent, Tezuka terminant son premier manga qui le rendra célèbre, avait marqué dans la marge quelque chose comme « ceci n’est pas un manga, mais un roman en dessin »… Il tiendra à cette qualité romanesque jusqu’à la fin de sa vie, s’opposant au réalisme du Gekiga lorsque celui-ci est créé par Tatsumi à la fin des années 50, alors même qu’il a toujours eu un paradoxal désir d’exister au sein même de son œuvre. Il va donc très vite apparaitre timidement dans « Astro Boy », se servir de ses propres enfants et de sa notoriété pour créer une bande familiale au milieu des années 60, et même devenir personnage de fiction « en tant que lui-même » dans « Vampire ». C’est dans les « Histoires pour tous », compilation d’histoires courtes de tout genre, qu’il publie enfin de l’autobiographie assumée, sous forme d’anecdotes plus ou moins sombres, et peut-être, plus ou moins romancées…
• Fabrice Neaud
– « Journal » chez Ego Comme X (réédition en coffret fin 2011). Certains volumes étaient épuisés.
J’ai une très bonne raison de ne pas écrire sur le Journal de Fabrice Neaud. Je laisse donc la parole à Fabrice Bousteau de « Beaux-Arts Magazine » :
« L’expérience graphique et intellectuelle que conduit Fabrice Neaud en réalisant une autobiographie dessinée est l’une des réflexions les plus originales du moment sur la valeur et la signification de l’image dans notre société. Le troisième volume du Journal que vient de publier ce jeune dessinateur de bande dessinée a la magique capacité de transformer le lecteur en une sorte de philosophe en lévitation, qui regarderait le monde d’un peu plus haut pour y voir d’un peu plus près. Construite comme un « roman philosophique » et d’une formidable inventivité graphique, cette autobiographie échappe à la tentation du voyeurisme et du « moi je ». Et pourtant, ce Journal est obscène dans le sens littéral du terme puisqu’il met sur la scène, devant le lecteur, ce que l’on n’y met jamais, c’est-à-dire la vie privée de l’auteur dans ses moindres détails mais aussi et surtout celle encore plus privée de son environnement et de ses amis. (…) »
• Yoshihiro Tatsumi
En 1957, Tasumi invente le Gekiga, manga pour adulte. Soit bien avant les émancipations américaines et franco-belges. Ce nouveau genre de manga, sérieux et réaliste, l’aurait fâché avec Tezuka, qui tenait à rester ‘ »tout public ».
À partir de 1995, il commence une autobiographie qui retrace toute l’histoire du manga d’après guerre. C’est donc une œuvre particulièrement importante !
« Une vie dans les marges » complète la lecture des œuvres de Tezuka, en particulier pour comprendre le Japon d’après-guerre, mais aussi le genèse d’un des plus important phénomène éditorial du monde : le manga
– « Une vie dans les marges », en deux volumes chez Cornelius 2010
• J.C. Menu
En fait, l’éditeur qui a promotionné l’autobiographie de manière systématique, et avant Ego Comme X qui en a fait son unique ligne, c’est l’Association, qui décidément a une importance historique immense pour les littératures graphiques. Et parmi ses fondateurs, J.C. Menu qui a même tenté (en parallèle avec Lewis Trondhiem et son « Approximate Continuum Comics ») un moment le format « comics » avec « Mune », journal trachouille qui tiendra 5 numéros. A noter J.C. Menu a soputenu une thèse sur « La Bande dessinée et son double » à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en janvier 2011.
– Mune comix, chez Cornelius. 5 numéros de 1993 à 1994
– Livret de Phamille, L’Association 1995
• Lucas Méthé
Donc, depuis une quinzaine d’années, l’autobiographie n’est plus rare. L’Association l’a promotionné, et il existe un éditeur qui s’y consacre : Ego Comme X, qui a édité ce qui est universellement considéré comme le chef-d’œuvre du genre : le Journal de Fabrice Neaud. Dans ce paysage maintenant très peuplé, Lucas Méthé fait figure d’exception en ayant publié à quelques années d’intervalle la même histoire, ou plutôt la même période d’une potentielle autobiographie, mais avec des dispositifs narratifs très différents, comme deux versions en miroir d’un même récit. Ceci donne un objet éditorial double assez inédit en bande dessinée, comme une question qu’on se pose à soi-même, à travers la distance de l’âge qui avance.
– « ça va aller », chez Ego Comme X, 2005
– « L’apprenti », chez Ego Comme X, 2010
5. Le rapport au réel : la BD en abîme…
• Bakuman
Un étrange Manga Shōnen, c’est-à-dire pour adolescent mâle, est en ce moment même en librairie : Bakuman. Tsugumi Ōba au scénario et Takeshi Obata au dessins, les deux auteurs du célèbre « Death Note« , l’un des plus malsains manga pour ado de ces dernières années, ont réussi une sorte d’exploit : vendre en masse aux adolescents du monde entier un manga qui raconte l’évolution de deux ados qui veulent devenir mangaka (c’est à dire ne jamais sortir de chez soi attaché à sa table à dessin), et ceci, sur un mode hyperréaliste, sans actions particulières et avec pour seul moteur une mièvre histoire d’amour platonique ! Et détail qui a son importance ici, la partie « apprentissage du métier » est parfaitement précise et documentée, ce qui donne à l’ensemble un air d’autobiographie déguisée… Bakuman est ainsi une mine de renseignement sur la réalisation d’un manga, les outils, les papiers, et le côté « collage graphique » du Manga, mais aussi sur les étapes pour se faire éditer, puisque les rencontres avec le monde de l’édition sonnent étrangement juste.
À force de précision, Bakuman décortique l’intégralité du processus éditorial, allant même jusqu’à sa remise en question par les nouvelles techniques marketing en court sur l’internet. Le paradoxe, c’est que pour que ce manga reste un « shönen » (c’est-à-dire motivant la lecture des ados) et non un simple reportage sur leur environnement, les auteurs ont ajouté les ingrédients indispensables : personnages attachants, histoires d’amours contrariés et compétitions multiples, mais les forums fourmillent de commentaire allant tous dans le même sens, ce qui est passionnant dans Bakuman, fascinant même, c’est sa dimension documentaire. Vraiment l’un des plus étranges manga jamais traduit !
• Gaston, 19 albums chez Dupuis et Marsu Productions. Nouvelle édition à partir de 2009
Gaston n’est pas dessinateur de BD, ce qui libère l’auteur, Franquin, des ambiguïtés qui traversent justement Bakuman. En même temps, en 1957, lorsque Franquin créé Gaston pour le journal de Spirou, l’autobiographie, le rapport au réel, le documentaire sont à peu près impensable. Les bandes sont exclusivement consacrées à distraire les enfants. Lorsque c’est sérieux, c’est éducatif, comme les « Histoires de France en BD ». Lorsque c’est de la fiction, ça doit rester fantaisiste. L’auteur a le droit à la documentation, bien sûr, mais elle doit s’effacer derrière la distraction.
Pourtant… Lorsqu’un enfant lecteur de BD lit Gaston, il découvre avec stupeur que le quotidien d’un journal de BD est plus proche d’une morne vie de bureau que d’une vie aventureuse… Et donc, l’arrière champ de Gaston est bien conforme à l’environnement de travail de l’auteur Franquin. Bien sûr, ce décor se construit par petite touche, par accumulation de petits détails qui se cachent derrière les gags, mais c’est bien là ! Gaston travaille (sic !) donc dans un journal de BD parfaitement crédible, où le quotidien est plus administratif, comptable et commercial que créatifs…
Gaston, comme possible ancêtre de Bakuman en tant que BD encrant son action dans son environnement de production, représente le combat perpétuel entre principes de plaisir et principe de réalité. Gaston va passer son temps à faire exploser (au propre comme au figuré) ce réel oppressant du monde du travail spécifique, qui fabrique laborieusement du rêve factice pour les enfants. C’est l’ancêtre et l’anti-Bakuman, qui lui, aujourd’hui, magnifie la « valeur travail », l’effort, la compétition, le sacrifice à une cause trivialement commerciale…
À noter que si la BD franco-belge et le Comics ont bien rarement comme héros les dessinateurs de BD, le manga quant à lui en fait presque une tradition. Bien sûr, Osamu Tezuka apparait dans ses propres histoires en tant que Tezuka, mangaka et producteur d’animation , et donc, très récemment, Bakuman. Mais on pourrait aussi citer le délirant feuilleton « Family Compo » de Tsukasa Hojo (auteur de Cat’s Eye et City Hunter) dont l’action se situe dans la maison atelier d’un/une mangaka ou encore une série nouvelle « I am a hero » de Hanazawa Kengo qui commence comme une chronique réaliste de la vie quotidienne minable d’un mangaka, avant d’être envahi de zombie…
• Otaku Girls
Puisque nous venons de voir Bakuman, ou le manga du point de vu des jeunes mangakas, il faut ajouter ici « Otaku Girls », le manga sur les lectrices de mangas. Ou plutôt sur les dégâts psychiques de la lecture intensive (et visionnage) des Mangas Yaoi sur les jeunes otakettes. C’est dessiné insipide, c’est illisible et bordélique, mais c’est drôle et trachouille (l’héroïne s’évanouit et saigne du nez dès que deux garçons se rapprochent l’un de l’autre) et ça tente de plonger dans le cerveau fantasque des adolescentes japonaises qui refusant la froide réalité, se plongent dans la fiction libidinale ultra codée des Mangas pour fille mettant en scène de jeunes garçons homosexuels (oui, c’est bizarre…).
– « Otaku Girls » de KONJOH Natsumi. 7 volumes chez Doki Doki
Bibliographie BD à l’usage des études visuelles | BONOBO
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Portrait : Thomas Mathieu | BONOBO
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